La mode est à la repentance. Il semblerait que nos ancêtres aient été d’ignobles individus assoiffés de sang et de conquêtes, n’ayant de cesse d’assassiner et de spolier pour s’enrichir, pratiquant la guerre, le pillage, l’esclavage, l’exploitation… D’abord entre eux-mêmes, peuples de France qui se sont affrontés, combattus, excommuniés, exploités avant d’être réunis dans un même État et parfois même après.
On peut regretter que l’histoire se soit déroulée sous le signe de la violence, mais la nature elle-même vit selon le principe d’une chaîne alimentaire dont la mort de chaque élément, le plus souvent brutale, est la condition de la survie d’autres existences.
On peut regretter que l’émergence de la conscience n’ait pas conduit les hommes à se détourner de cette violence primaire, mais au contraire, à l’avoir étendue hors du champ de la nécessité vitale. Les progrès de la conscience et le progrès matériel, qui a réduit la concurrence pour la survie, auraient dû conduire à faire mieux : ce n’est pas le cas et on peut le déplorer.
Mais tous les hommes se valent, et placés dans les mêmes circonstances historiques, les repentants d’aujourd’hui n’auraient-ils pas agi comme ceux dont ils jugent l’action passée ? Toutes les circonstances difficiles de la vie démontrent qu’il existe en tout temps des personnes obéissant à des forces qui les dépassent, des opportunistes prêts à tout pour tirer avantage de ceux qui ne peuvent se défendre et des héros capables de placer des valeurs morales au-dessus de leur propre destin ; alors que signifie se repentir d’actions auxquelles on n’a pas participé faute d’en avoir été contemporains ? D’actions d’une collectivité dont on n’a pas éprouvé les motivations pour se positionner ?
Au demeurant, a-t-il existé des civilisations n’ayant pas connu de comportements semblables : l’Égypte, la Perse, la Grèce antiques ainsi que les grandes civilisations indiennes, chinoises, arabes qui se sont développées avant la nôtre, n’ont-elles pas pratiqué l’esclavage ? La quête du simple nécessaire, et plus souvent de la richesse, n’a-t-elle pas toujours alimenté la prédation, la guerre, les razzias ? Les pirates barbaresques n’ont-ils pas sévi en Méditerranée jusqu’à la prise d’Alger ? Et si certaines populations n’ont pas suivi ce modèle dominant, n’ont-elles pas constitué seulement de petites communautés vite sorties de l’histoire ?
Par ailleurs, les populations actuelles de la plupart des pays ne résultent-elles pas d’un grand remplacement ou de mélanges aux causes multiples ne répondant pas à une volonté particulière ?
Ce n’est pas une excuse mais l’humilité doit conduire à ne pas juger trop légèrement des comportements si répandus pendant une si longue période. Prétendre faire mieux ou simplement affirmer que cela eût été possible, c’est prendre une posture de supériorité morale qui demande à être prouvée et non seulement affichée.
En venant au monde, nous devons l’accepter tel qu’il est et, a fortiori, a été avant de tenter de l’améliorer.
Les habitants de la France sont tous égaux ; nous l’avons reconnu et même décidé ! Descendants de Sapiens immigrés d’Afrique devenus Celtes, Romains, Germains, Normands, Italiens, Polonais, Espagnols et autres avant leur arrivée sur le sol que nous occupons jusqu’aux flux les plus récents en provenance d’Afrique ou d’Orient, venus en masse de leur propre initiative ou après l’occupation de leur région d’origine par la France, mais aussi nombreux individus mus par des raisons personnelles, travailleurs, mercenaires, négociants, réfugiés, artistes, intellectuels, aventuriers, etc. Les uns et les autres sont à l’origine d’un melting pot de gênes venant de victimes autant que de bourreaux.
En l’an mille le territoire de ce qu’on peut considérer comme la France d’alors était réduit à 100 000 km² et sur la surface qu’elle occupe actuellement, ne vivaient que 5 millions d’habitants dont 50 % seulement ont des descendants aujourd’hui. Le nombre théorique d’ancêtres à cette époque des fratries constituant les 67 millions d’habitants que nous sommes s’élève à plus de 1000 milliards (2 puissance 40). L’écart gigantesque entre la réalité et la théorie démontre à la fois une très forte endogamie et une contribution importante de peuples extérieurs à notre patrimoine génétique de ‘époque et à fortiori de toute époque antérieure.
Se repentir c’est regretter d’avoir commis une mauvaise action et vouloir en assumer la responsabilité pour se racheter face à une exigence morale, à un dieu ou à l’histoire. Qui devrait donc se repentir ? L’entité théorique qu’est la nation ? Mais le peuple serait-il responsable de la royauté et des empires auxquels il était soumis et même des régimes républicains qu’il a récusés ?
Seuls des êtres humains vivants peuvent se repentir. Lesquels ? Les éventuels descendants de possibles responsables ne portant que leurs gènes ? Ou également les héritiers de gènes étrangers ou de victimes ?
Se repentir ne change pas le sort des personnes disparues, ni celui de leurs descendants, tout en offrant aux plus opportunistes des motifs de revendication et aux autres des explications faciles de leurs malheurs et un motif de haine.
Les peuples de France et d’Allemagne se sont affrontés pendant des siècles et trois guerres particulièrement sanglantes les ont opposées en moins d’un siècle. L’Union Européenne les a heureusement réunis au lendemain de la dernière hécatombe, avant même la fin du travail de deuil.
La repentance l’eût peut-être empêché.
Cet article est illustré par une gravure d’artiste inconnu et intitulé Massacre de la Saint-Barthélemy qui a eu lieu à Paris dans la nuit du 24 août 1572. Elle est exposée à Pau, au Musée du Château.